Note d’intention
Ruines, ma première création, explorait à travers un duo à trois (deux danseurs, un musicien) des figures archétypales du rapport à l’autre, empruntée à l’iconographie religieuse ou populaire. Les Sauvages poursuit cette recherche sur les liens interpersonnels sous la forme d’un quintette, en complexifiant le nœud des relations sociales. Il m’importe désormais de questionner le rapport de l’individu au groupe, et la façon dont le sujet se construit à travers les multiples échanges qu’il entretient avec les autres. De l’amour fraternel à la rivalité, du jeu adolescent aux rapports d’autorité, j’y éprouve les distances comme les proximités au creux desquelles se forgent les normes sociales.
Les Sauvages présente une assemblée grégaire, constituée d’hommes qui se connaissent en-dehors de la scène, formant un groupe d’amis cohérent et véridique. Pour saisir sans artifice les relations de séduction, d’inhibition ou encore d’émulation qui se nouent entre eux, la pièce installe le temps d’un présent simplement humain, dégagé des temporalités médiatiques, sociales ou professionnelles. Dans la lignée de mon premier spectacle, cette déconstruction tend à révéler l’authenticité des relations humaines : la pièce accorde une place centrale à l’expression des émotions, comme aux hésitations et aux contingences qui caractérisent l’action humaine. Pour mettre en scène cette tranche de vie à plusieurs, la chorégraphie s’élabore dans et par la dynamique de groupe, au cœur d’un processus de réflexion collective. Laissant une place déterminante à l’improvisation durant la phase d’écriture, je cherche à capter la spontanéité de la vie du groupe, que ses acteurs s’approprient, et à la préserver autant que possible de mes projections personnelles. Afin de saisir leur authenticité, je les explore dans tout ce qu’ils ont à offrir, du plus raffiné au plus grotesque, du plus insouciant au plus révolté, du plus développé au plus primitif.
La psychologie (notamment la pensée de Will Schutz dans L’Elément humain), la philosophie, la psychanalyse et la sociologie s’accordent à faire des individus des réalités plurielles (« chacun de nous est déjà plusieurs », peut-on affirmer avec Deleuze), dont il m’importe de souligner la complexité. Mais là où ces discours théoriques prennent le langage pour symptôme et moyen d’expression, je prends pour ma part le corps comme révélateur de la plasticité des identités collectives. Cette démarche opère donc un retour à la physicalité. Si l’appartenance au groupe se révèle à travers tout un ensemble de marqueurs sociaux (langagiers, culturels, idéologiques ou spirituels), Les Sauvages donne à voir une forme d’identification plus immédiate, lisible à même le corps. La chair y devient le moyen de circonscrire son identité, à la manière du « Moi-peau » dont parle Didier Anzieu, ou d’éprouver l’autre en moi à travers le jeu de « touchant-touché » comme le nomme Merleau-Ponty. Comment l’individu se reconfigure-t-il au contact de l’Autre ? Ai-je conscience des changements produits par cette rencontre ? Où se tient la limite entre moi et les autres ? À travers cette interrogations sur l’intimité du rapport à l’autre et sur ce qui m’en différencie, Les Sauvages renverse les codes entre le civilisé et le bestial, déconstruit les déterminismes sociaux pour revenir à une dimension plus archaïque, presque tribale, de la communauté, où le policé n’est plus nécessairement celui qui prétend l’être. La recherche chorégraphique se concentre alors sur la place physique de l’individu dans un groupe : quel corps concret se dévoile sous les conventions sociales ? Que faut-il mettre en œuvre pour intégrer physiquement un groupe et par quelle violence en est-on exclu ? Quels atavismes enfin conditionnent le lien social ?
SCÉNOGRAPHIE
C’est l’idée d’un conflit entre la beauté et la violence qui est la genèse de Ruines. C’est ce conflit, cette tension qu’interrogent les interprètes. Une question nous est alors posée : est-ce notre regard qui sublime le réel et dans quelle mesure sommes-nous les acteurs de cette sublimation ? Car s’il y a conflit, il n’y a pas forcement opposition. Ruines puise son inspiration dans une iconographie de la déploration de la religion chrétienne. Comme dans les tableaux du Titien ou du Gréco et leurs visages de Vierges au pied du Calvaire, ces visages marqués par la douleur, cette émotion que les plus grands artistes ont cherché à exprimer et qui traverse toute l’histoire de l’art. La douleur mais aussi l’extase. Comme celle de Sainte Thérèse d’Avila, comme une lumière qui irradie de l’intérieur. Jeux de lumières et de creux, formes qui s’accrochent et s’écorchent, une bouche béante est, en peinture, une tache, en sculpture un creux, qui peut donner au visage un aspect tordu et grimaçant. Elle peut aussi exprimer un cri de beauté, on pense au syndrome de Stendhal, ce vertige troublant qui prend à la gorge certains spectateurs saisis par la beauté des oeuvres.
Chorégraphie Sylvère Lamotte
Assistant chorégraphique Jérémy Kouyoumdjian
Crée avec et interprété par Youness Aboulakoul, Jean-Charles Jousni Alexandre Bachelard, Gaétan Jamard, Jérémy Kouyoumdjian
Musique Playlist élaborée avec les danseurs (en cours)
Composition musicale originale « Les Sauvages » Youness Aboulakoul Lumière Arnaud Cabias
Scénographie Sylvère Lamotte, Arnaud Cabias
LES SAUVAGES – Création 2017
Production Cie Lamento
Co-production Les Quinconces-L’espal, Théâtre Louis Aragon – Tremblay-en-France, Le Vaisseau
DISTRIBUTION
Né en 1987, Sylvère Lamotte se forme à la danse contemporaine au Conservatoire national de Région de Rennes, puis au Conservatoire national de Danse de Paris. En 2007, alors en dernière année au Junior ballet, il intègre le Centre chorégraphique d’Aix-en-Provence au sein du GUID (Groupe Urbain d’Intervention Dansée), programme initié par le Ballet Prejlocaj. Curieux des univers de chacun, ouvert à diverses influences, Sylvère Lamotte travaille en tant qu’interprète auprès de chorégraphes aux univers variés : Paco Decina, Nasser Martin Gousset, Marcia Barellos & Karl Biscuit, Sylvain Groud, David Drouard, François Veyrunes, Alban Richard, Perrine Valli et Nicolas Hubert. Nourri de chacune de ces expériences, de chacun de ces langages, il en retient un goût pour la création collective et le mélange des influences. Il fonde en 2015 la compagnie Lamento au sein de laquelle il explore, en tant que chorégraphe et interprète, ses propres pistes de travail. Particulièrement attaché à la danse contact, Sylvère Lamotte expérimente notamment les moyens d’en faire varier les formes. Cette même année, il crée le duo (+ un musicien) Ruines, puis le quintette Les Sauvages (2017).
Né à Casablanca, Youness commence par le hip-hop à l’âge de 7 ans au Complexe culturel Moulay Rachid, puis il poursuit par la danse classique et les danses du folklore marocain au Conservatoire municipal. À 16 ans il rencontre le chorégraphe Khalid Benghrib (La CIE 2K_far) avec lequel il a suivi une formation de danse contemporaine et interprète depuis tous ses projets : Western palace, La smala BB, Marrakech Toys, Sol-Os et sa dernière création en 2015 The Black Table. Youness travaille simultanément pour Ramon Baeza, Rosa Sanchez et Alain Baumann, la Cie Macadam et Meryem Jazouli, et il a également participé à des workshops avec des chorégraphes internationaux de la danse contemporaine et du hip-hop aux États-Unis et en Europe. Il s’installe en France en 2010 et enseigne la danse hip-hop. Actuellement, il travaille avec les chorégraphes Olivier Dubois, Radhouane El-meddeb et Filipe Lourenco, et le metteur en scène Arnaud Saury. Youness est aussi compositeur. Passionné par l’univers musical électronique et imprégné de musique marocaine, il mêle ces deux sources d’inspiration pour développer son propre univers sonore. Il signe la composition originale du spectacle Les Sauvages de la CIE Lamento.
Né en 1985, Jérémy étudie au CNSMD de Lyon pendant 4 années en section danse contemporaine, aborde notamment les répertoires de Pina Bausch, Jean-Claude Ballotta et Jean-Christophe Maillot, et crée une pièce pour le Jeune Ballet de Lyon avec le chorégraphe Cyril Viallon. Dès sa sortie du conservatoire, il intègre le GUID d’Angelin Preljocaj, ainsi que les projets de Sylvain Groud et Frédéric Lescure. Il multiplie ses collaborations pour enrichir sa carrière de danseur interprète et rejoint notamment les projets de David Drouard, François Veyrunes, Ingrid Florin, Tommy Pascal, Paco Decina et prochainement Russel Maliphant. Il rejoint la Cie Lamento en 2014 pour sa première pièce, Ruines.
Diplômé du CNSMD de Lyon en juin 2006, Gaétan Jamard intègre en 2007 le Jeune Ballet jusqu’en Juin 2008, où il travaillera avec Frédérique Cellé, Cyril Viallon, Jean-Claude Gallotta et sur une pièce de Jean-Christophe Maillot. En 2008, il participe à la création Don Quichotte, Itinéraires intérieures d’un chevalier errant chorégraphié par Gilles Verièpe. Il fait une reprise de rôle dans Comedy de Nasser Martin Gousset depuis mars 2009 et intègre sa dernière création Pacifique (2010/2011). De plus, il entreprend une reprise de rôle dans Prologue d’une scène d’amour et scène d’amour pour la Cie Yuha Marsalo. Il travaille actuellement pour la Cie Act2 Catherine Dreyfus, sur la création jeune public Et si j’étais moi ! avec laquelle il intervient dans des ateliers pédagogiques, et continuera cette collaboration pour sa prochaine création Éloge de la métamorphose et Miravella. Il travaille actuellement sur la création de Tendre Achille pour la Cie 47.49 François Veyrunes. Gaétan rejoint la Cie de Flavia Tapias en février 2014 pour la pièce Abundancia et actuellement pour d’autres projets comme la dernière création Sei coisas lindas de ti ainsi que Que dia é hoje ? C’est au sein de Grupo Tapias qu’il souhaite créer Retour en tant que chorégraphe et interprète.
Né à Paris, Alexandre débute la danse par le hip-hop à l’âge de 17 ans. Très vite il décide de s’ouvrir à d’autres disciplines et rentre en 2009 à l’Académie internationale de la danse et du spectacle de Paris. En 2011, poussé par l’envie d’approfondir la technique de danse contemporaine, il fut accepté au Conservatoire National Supérieur de Danse contemporaine de Lyon. Durant ces quatre années de formation, il a eu la chance de traverser plusieurs chorégraphies de répertoire, telles que les œuvres de Sasha Waltz, Pina Bausch, Trisha Brown. En fin de cursus il obtient son diplôme d’interprète, le DNSPD, ainsi que Certificat d’études supérieures. En septembre 2015, il intègre la Cie Catherine Diverrès pour la nouvelle création Blow the bloody doors off en France (Vannes).
Né le 8 janvier 1986 à Brest, Jean-Charles Jousni étudie la danse contemporaine et classique à l’ENMDAD de Brest de 2004 à 2006. Entre temps, il travaille avec la compagnie Moral Soul d’Herwan Asseh. De 2006 à 2007, il étudie à l’ESDC – Rosella Hightower dans laquelle il intègre le Cannes Jeune Ballet sous la direction de Monique Loudières. En 2007, il rejoint le GUID (Droupe Urbain d’Intervention Dansée) du Ballet Prel-jocaj et depuis 2008 il intègre le Ballet Preljocaj CCN d’Aix-en-Provence au sein duquel il participe entre autres à Roméo & Juliette, Noces, Helikopter… En 2014, il crée avec Emilie Lalande la compagnie (1)Promptu à destination du jeune public. Depuis 2017, il collabore avec Sylvère Lamotte pour la CIE Lamento.
Arnaud CABIAS débute la danse à l’âge de 6 ans. Après l’obtention de son diplôme du CNSM de Lyon, il intègre en 1992 la Cie Plaisir d’Offrir, Michel Kelemenis, pour y rester 6 années durant lesquelles il acquière une maturité scénique du fait des nombreuses tournées. Ces différents centres d’intérêts l’amènent au travers d’une formation (CFPTS, régie du spectacle option : lumière) à développer ses compétences techniques dans le domaine de la lumière. Tout en continuant son travail d’interprète dans plusieurs compagnies, notamment la Cie de Lionel Hoche, ainsi que la Cie V.M.T., il crée au cours de l’année 2000 la compagnie label UrbanTek avec Marielle Girard dont les créations AC4MG et TV, réalité et autres péchers sont au répertoire. Il intègre la compagnie Nathalie Pernette en 2000 et celle de Alban Richard en 2009. En 2014, il décide d’arrêter sa carrière de danseur pour se consacrer entièrement à la création et à la régie lumière au sein de la Cie Lamento.